Mardi le 23 juin 2009
Océane, six ans, a déjà vu son papa plusieurs fois à la télé. Mais sans poser trop de questions. « Elle vit sa vie d'enfant et c'est tant mieux ». Raphaël Galaudier, un des leaders de la contestation chez Fulmen à Auxerre, préserve sa fille. Lui, solide gaillard, a pourtant eu des « mauvais moments ». Entré à 22 ans chez le fabricant de batteries, il en a aujourd'hui 37. Il décrit ces derniers mois comme un combat. Les réunions interminables, la montée au siège à Gennevilliers, etc. Un peu « d'adrénaline » dans tout ça. Le soir pourtant, il fallait bien rentrer à la maison. Rapha salue l'écoute d'Odile, sa compagne depuis trois ans. « Quand t'as un truc sur le cœur, faut en parler. Sinon, t'exploses. Et à Fulmen, j'ai vu des gars qui ont failli perdre leur couple. Leurs femmes, sans doute stressées, les culpabilisaient encore plus. Nous, on restera soudés en famille. »
Depuis le 15 juin, les ouvriers n'ont plus à aller pointer sur le site même s'ils restent à la disposition de l'entreprise. Comme d'autres, Raphaël craint de mal vivre cette « période de vide ».
« Je suis en apprentissage depuis l'âge de treize ans. Je n'ai jamais arrêté de bosser, sauf trois mois de chômage il y a 15 ans. Rester enfermer, sans travailler, je ne peux pas. Je vais devenir fou. » Odile opine.
Un boulot donc. Mais Raphaël l'avoue, il ne sait pas vers quoi se tourner. « En fait, quand t'es dans l'habitude, tu ne te poses pas vraiment la question de ton avenir. » La cellule de reclassement n'a pas encore été mise en place mais Rapha ne sait pas s'il y participera. « En fin de compte, on se retrouve un peu seul. Ça peut paraître prétentieux mais je n'ai que mon courage pour moi. Après je ne sais pas si le Pôle emploi ou des experts du CV pourront m'aider à trouver du travail, moi un ouvrier. »
Il se débrouille donc tout seul, même s'il sait que la conjoncture n'est pas bonne. Quelques démarches déjà et une petite prospection. En douceur. « Je crois que j'ai aussi besoin de réfléchir, au moins jusqu'à fin décembre quand l'usine fermera définitivement. Je ne sais pas. Reprendre mon permis de pêche, me balader, souffler quoi. Et en janvier, repartir du bon pied.
Avec l'argent du plan social et le chômage, on pourra tenir un peu. Mais sans s'endormir. C'est le plus grand danger. »
L'Yonne Républicaine - 2005